Non loin, la cathédrale se dresse, telle une vieille dame de pierre, majestueuse, à quelques kilomètres à vol d’oiseau de l’endroit où se trouvait la ville romaine d’Altino, au bord de la lagune. Ce furent en effet les habitants d’Altino qui s’installèrent dans ces îles pour fuir les hordes de Barbares qui commencèrent à envahir l’Italie entre le Ve et le VIIe siècles. Torcello fut l’un des premiers centres habités et florissants de la lagune jusqu’au XVIe siècle, ayant même eu le privilège d’être la capitale de la lagune jusqu’au Xe siècle. Dans cet écrin de nature, Torcello abrite deux bijoux, incomparables dans leur architecture et leur beauté artistique : l'église octogonale de Santa Fosca et la cathédrale Santa Maria Asunta que l'on a qualifiée de "plus émouvante église de la chrétienté" et dont l’intérieur recèlent des peintures de toute beauté. L’île serait probablement totalement désertée aujourd’hui si sa cathédrale n’était là pour attirer et émerveiller les visiteurs.

La cathédrale Santa Maria Assunta est la plus ancienne de toute la lagune (Cette extrême ancienneté est confirmée par le plafond aux poutres apparentes et par le pavement). Elle fut fondée en 639. Une inscription est visible, gravée à gauche du choeur, du temps de l'empereur byzantin Héraclius. Cette église a, dit-on, enchanté Hemingway. L’homme à la barbe blanche, à la vie tumultueuse, aux excès en tout genres, avait sûrement trouvé en ce lieu, un havre pour apaiser ses tourments. En entrant, on comprend qu’il ait succombé au charme. Les mosaïques (XII-XIIIe siècles) font partie des plus importants témoignages de l’art byzantin. L’une d’elles, le « Jugement dernier » (mur ouest), décrit avec un plaisir sadique les tourments promis aux damnés. La cathédrale recèle des trésors.

Le choeur et l'abside principale (VIIe siècle) sont séparés de la nef par une iconostase du XIe siècle (cloison recouverte d'icônes, dans les églises orthodoxes. Elle permet de séparer la nef du sanctuaire), composée de panneaux de marbre encastrés de fines colonnes, décorée d’animaux symboliques en relief (paons, lions) . La chaire est également en marbre.

Au-dessus des colonnes, des peintures, montrant la Vierge et les apôtres, réalisées par un maître de Venise du XVe siècle. L’abside de droite porte une mosaïque remarquable. Le Christ est entre les archanges Gabriel et Michel. En dessous, les pères de l'église, Ambroise, Augustin, Grégoire et Martin, dans une mosaïque du XIIe siècle, a été réalisée par des artistes de Ravenne. La cathédrale Santa Maria Assunta est très représentative des influences de Rome et de Byzance. D'un côté, l'architecture gothique à voûtes, de l'autre côté l'architecture byzantine à dômes, présente aussi à Constantinople, en Russie, en Inde. Une grande mosaïque illustre toute la paroi ouest de scènes de crucifixtion, de la résurrection, du jugement dernier, (XIIe et XIIIe siècles). Le récit se lit, de haut en bas, en six épisodes. Au-dessus des stalles, l'importante mosaïque sur fond d'or montre la haute figure de la Madonna Teotoca serrant l'enfant-Dieu promis au triste avenir du sacrifice. L'oeuvre est due à des maîtres grecs. Sur le côté droit, se trouve la cathédra, chaire de l'évêque. On regrette de ne pouvoir immortaliser tant de beauté sur pellicule. Ici, comme dans tout édifice religieux ou sacré, les photos sont interdites. A l'extérieur se trouvent les vestiges d'un baptistère et d'un oratoire du XIe siècle, restauré au XVIIIe siècle, où, dit la légende, la dépouille de Saint Marc aurait été déposée.

L'imposant campanile très haut, a perdu la tête…..En 1640, son sommet en 1640 fut foudroyé. De forts supports protègent encore ses fenêtres. Actuellement en restauration, il est toujours debout. On peut monter à son sommet pour admirer le nord de la lagune. (On le voit en arrière-plan sur la photo)

L’église Santa Fosca porte le nom d'une martyre de Ravenne, dont c'est la dernière demeure. Voisine de la cathédrale, elle est trapue et ronde (octogonale à l’extérieur) et s’ouvre par un superbe portique. Elle fut érigée par des maîtres-ouvriers grecs, tout comme la cathédrale, au XIe siècle sur l'emplacement d'un sanctuaire du VIIe siècle. L'intérieur est dessiné par un plan en croix grecque. Le chevet est décoré de doubles colonnes minces, plaquées contre de délicats ouvrages maçonnés, avec quelques frises décoratives. Elle est toute simple et remarquablement proportionnée.

Trois trattorias vous attendent pour la pose du déjeuner ou pour de tendres dîners en tête-à-tête à la lueur des chandelles, le long du canal. La plus célèbre est la Locanda Cipriani, l’autre grande et belle adresse de la lagune. Ici, se sont attablés la reine Elizabeth, le Prince Charles et Lady Diana, Maria Callas, Charlie Chaplin... Ernest Hemingway vint y séjourner plusieurs fois à partir de 1948. pour y écrire "Across the River and Into the Trees".

La cuisine est raffinée : pâtes farcies à la viande, risotti, poissons. Les spécialités tiennent leurs promesses : Risotto alla torcellana - Zuppa di pesce. Si l'extérieur a conservé son caractère rustique, les salons élégamment décorés dans un cadre cosy. Les repas sont servis dans le jardin ombragé ou dans la galerie qui le borde. Cette ancienne auberge dispose également de quelques chambres. L’isolement ajouté au charme de cette ancienne auberge, mérite qu'on y passe au moins une soirée.

Derrière le restaurant se trouve la place toute en verdure. De là, vous pouvez voir quelques bâtiments d'époque. Assoyez-vous dans le trône d'Attila en marbre blanc, appellation qui n'a aucune connotation avec l'invasion des Huns.

Sur la gauche se trouve le Palais du Concile de style gothique construit au XIVe siècle et le Palais des Archives. Les deux bâtiments servent actuellement de musée archéologique présentant des collections des époques romaine, bysantine et médiévale, objets qui ont été trouvés sur l'île.