Le traversier approchant de la rive, je vis que l'île, pour mon plus grand plaisir, était bordée de blanc. Semblable à des anges, les oies en traçaient le pourtour dans un froufrou d'ailes. Je serais demeurée à les observer tant le tableau était ravissant, pur, et gracieux. Nous étions en pleine période de migration. Elles s'arrêtent ici en raison de l'abondance des joncs des marais avant de reprendre le ciel d'assaut en direction de leur résidence hivernale.

Quant à moi, j'optai pour le Gîte Lucie Vézina. Elle nous reçut comme si nous étions de la visite. Ma chambre me fit penser à celle que j'avais quand j'étais tout enfant, décorée de poupées, de dentelles et de bouquets de fleurs séchées. Quelques minutes plus tard, nous partions avec Edith Rousseau, directrice de la Corporation du développement touristique de l'Île. J'appris que l'archipel du même nom compte 21 îles et îlots mais l'Île-aux-Grues est la seule a être habitée toute l'année avec une population de 154 privilégiés. Elle s'étend sur 7 km de long par 2 km de large mais, si on y inclue les battures qui la relie à l'Île-aux-Oies, elle atteint 10 km sur 4. Mais pourquoi ne pas aller sur l'Île-aux-Oies pour voir les oies me direz-vous. C'est une île privée, le prolongement de l'Île-aux-Grues pourrait-on dire, séparées par les battures. Chemin faisant, je m'attardai devant les maisons, si coquettes qu'elles semblent sorties d'une collection, toutes plus jolies les unes que les autres avec leurs plates-bandes bien manicurées et leurs boîtes à fleurs toutes frileuses, ayant déjà revêtues leurs couleurs automnales. L'église était fermée car monsieur le curé ne vient que le dimanche, avis aux intéressés ! Vous serez sans doute surpris d'apprendre qu'on trouve ici un petit aéroport. L'avion ressemble à un jouet et transporte les écoliers matin et soir. Il devient, un peu plus tard, disponible pour ces dames qui quittent leur île dès la matinée pour aller faire leur shopping à Québec. Là, elles retrouvent leur voiture et partent vers Montréal assister à un spectacle ou un concert. N'est-ce pas une forme de gâterie !

Visite improvisée
Le musée et le Grenier de l'Île étant fermés, nous eûmes cependant le plaisir de voir au Centre de la Volière quelques costumes ayant servi lors de la Mi-Carême, un événement plutôt marginal qui dure depuis plus d'un siècle sur ce bout de terre. Les résidents de l'île se déguise chaque année avec des costumes que le talent de ses femmes aux idées originales et aux doigts de fée confectionnent en secret. Pendant toute une semaine de pur bonheur, dit-on, à n'importe quelle heure du jour, elles vont de maison en maison en essayant de ne pas se faire reconnaître. Un défi pour une si petite population! "La mi-carême, ça veut dire que c'est le début du printemps... le retour des oies et des outardes", m'explique-t-on.

Mi-carême, c'est aussi un fromage. Une visite à la Coopérative agricole s'impose. Les fromages locaux - le Mi-Carême et le Riopelle - ainsi que son voisin le Tomme de Grosse Île, plusieurs fois primés, sauront séduire vos papilles gustatives. Attendant mon tour pour y acheter quelques fromages, je fis connaissance de deux chasseurs et entamai la conversation. La chasse a-t-elle été bonne ? L'un d'eux tira de sa poche de sa veste camouflage une cartouche qui tue l'oiseau sans en abîmer la chair. Il me vanta ensuite le choix de la carabine, m'expliqua la différence entre les billes de plomb et celles en acier et termina en disant d'un air moqueur : " vous êtes sans doute une fille de la ville. Vous n'avez, pour mon dire, pas compris grand chose! " Son sourire s'effaça lorsque je lui répondis : "j'ai déjà tué un lion en Afrique avec une magnum 170". Je lus alors l'étonnement sur son visage. Je venais, d'un coup, d'abattre un chasseur… de ville ! Son copain alors d'ajouter : "blonde… mais pas conne !"

Ce fut une journée bien remplie qui se termina par un souper à l'Auberge L'Oie Blanche. Nous avons trouvé là une cuisine familiale avec une table mise, comme autrefois, à la bonne franquette, toute simple mais accueillante avec sa nappe de plastique sur laquelle trônaient des marinades. De la cuisine s'échappait des parfums qui ouvrent l'appétit. Au dessert, je retrouvai le pouding chômeur avec ce goût qui rend l'âme joyeuse. Mon "oh" de surprise réjouie fit sortir de la cuisine les 4 sœurs. L'aînée vint s'asseoir avec nous et nous raconta que toute jeune, elle avait travaillé comme cuisinière à Grosse Île. Chacune reprit ensuite son tablier ; c'était l'heure de la vaisselle. Je me proposai de gratter le fond de la casserole et quittai l'endroit avec un gros bec de chacune. La pluie s'était remise à tomber. Il faisait noir comme chez le loup mais lorsque j'ouvris mon parapluie, j'eus le goût de chanter " Singing in the rain " !

En quittant l'Île aux Grues, je quittais un paradis où le bonheur est proche du parfait, où l'entraide se retrouve sans avoir à frapper à la porte... si tu manques de pain, va chez le voisin; ici les portes ne sont pas barrées.

11H45. Reprise du traversier. Destination L'Islet pour le Musée Maritime, puis Berthier-sur-Mer où nous dormirons à l'Auberge et jardin Mikami.

Pourvoirie et gîte Lucie Vézina - 222, chemin du Roi. (418) 248-5703. lucylavoie@globetrotter.net. C'est l'accueil qui réchauffe, c'est le sommeil qui repose, c'est le déjeuner qui réconforte dans une ambiance familiale. Vous aurez la possibilité de chasser l'oie blanche, le canard sauvage, la bécassine et la sarcelle.

Auberge l'Oie Blanche. (418) 248-9080. aubergeoieblanche@hotmail.com.

Traversier reliant la gare fluviale de Montmagny à l'Ile-aux-Grues : N.M. Grue-des-Îles, Tél.: (418) 241-5117. Durée de la traversée : 25 minutes. Longueur du parcours : 7,8 km. Service saisonnier - d'avril à décembre.

Croisières Lachance - pour croisière d'observation de l'oie blanche. Sans frais : 1 888 GROSSE-ÎLE (1 888 476-7734) ou (418) 259-2140. info@croisiereslachance.ca.

La Société coopérative agricole Ile-aux-Grues - fromagerie: 210, chemin du Roy. (418) 248-5842. fromagerieiag@globetrotter.net.