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Jour 3 : suivez Jacline au Port Old Harry, à Fatima...

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Suivez Jacline en reportage

J'étirais mon déjeuner en attendant Michel. Il arriva avec son entrain habituel et, comme s'il avait deviné, alla se chercher un café afin de m'accorder tout le temps des adieux. C'était ma dernière journée aux Iles.
En route vers l'île de Grande-Entrée, j'admirai une dernière fois la plage de la Grande Échourie. Le bleu de l'eau et le blanc de l'écume sont à ce point ravissants que j'aurais voulu m'en faire une robe de bal! Cette bande littorale se déroule sur 10 kilomètres au bout desquels on peut parfois apercevoir des phoques qui jouent dans l'eau.

 

Un arrêt au port de Old Harry
Jour 3 : suivez Jacline au Port Old Harry, à Fatima... 1

Aux XVIIe et XVIIIe siècle, Old-Harry était le lieu de prédilection de la chasse au morse ou vache marine. Cette chasse a été la raison de la venue des premiers européens aux Îles, les Basques. Les échoueries désignent les lieux rocheux où les morses se prélassaient au soleil, entassés les uns sur les autres. Quoique très gros, presque autant qu'un boeuf, le morse était suffisamment agile pour grimper sur les rochers en s'aidant de ses énormes défenses. On commercialisait l'huile qu'on faisait fondre de leur épaisse couche de gras pour alimenter les lampes. Cette espèce dont on faisait l'abattage est aujourd'hui disparu mais je retiens de mon passage une légende. Retenez votre souffle que je vous raconte :

Le cri du piailleur
À proximité d'un rocher dans Old Harry, un chasseur de morse serait un jour tombé dans un trou. Ses cris et ses lamentations s'entendent encore aujourd'hui, affirme-t-on ici! Michel savait si bien me décrire la scène que j'en eu fret dans le dos! C'est… n'en dites rien à personne, le vent qui siffle dans le trou de la falaise.

Le temps était au beau, et nous fîmes quelques arrêts que la pluie de dimanche nous avait fait renoncer. En effet, la magnifique église en bois de la Vernière doit s'effectuer par une journée ensoleillée à cause de son vitrail. Les portes étaient ouvertes et l'église déserte. L'harmonium de bois foncé se taisait; quelques cierges allumés projetaient leurs ombres sur une statue de la Vierge. Tout dans ce décor simple respirait la bonté et la paix. Un rayon de soleil illumina soudain le vitrail et je vis les personnages s'animer, les marins et même Jésus attifés de bottes noires et de ciré jaune. Une barque remplie de poissons parlait en silence de la pêche miraculeuse. J'essayai de me recueillir et de dire dans une prière : Seigneur, mon coeur est à flotte de bonheur! Une expression savoureuse que j'ai souvent entendu ici pour dire " je suis heureuse, je suis contente "

Vers Grande Entrée

En continuant notre chemin sur la route 199 vers Grande-Entrée, un musée renseigne le visiteur sur la vie des anciens de la communauté anglophone de Grosse-Île. Il me reste, au moment où j'écris, la souvenance de cette ancienne école rouge construite en 1921. Je pris plaisir à ouvrir les livres, à toucher le bois usé des pupitres, à regarder les photos, à imaginer l'institutrice à l'allure sévère et au coeur maternel. J'observai dans ses détails le poêle à bois et il m'a semblé le voir rougir de plaisir à l'attention que je lui portais. Puis un poème longtemps appris intitulé " Souvenir " me revins :

J'ignorais tremblant que tu ne meures,
Que c'est nous qui passons mais c'est toi qui demeure!
Lorsque la porte se referma, j'avais appris la passionnante histoire de ce peuple qui, par sa ténacité, sa débrouillardise, avait survécu malgré l'isolement et les caprices de mère nature.

Auberge Madeli
Située au bord de la mer, ce château souvent ainsi nommé est réputé pour son hospitalité. Que dire de plus après avoir fait le tour du propriétaire : Ici le dépaysement se fait à l'envers, pour ceux qui recherchent les services et le confort d'un hôtel ultra moderne.

Fatima
Jour 3 : suivez Jacline au Port Old Harry, à Fatima... 1

" Banax ", c'est le surnom donné aux habitants. Fatima regroupe les cantons du Cap-Vert, du Grand-Ruisseau et Les-Caps. Près de l'intersection des chemins du Grand Ruisseau et des Caps, j'ai pu admirer, par sa forme en coquillage, l'église de Fatima, toute simple, contemporaine, mais merveilleusement intégrée à l'esprit marin qui souffle sur toute l'île. Exposé aux vents du secteur nord, le littoral de Fatima est échancré de falaises abruptes et spectaculaires. La Dune du Nord, très large et plane, a servi de piste d'atterrissage aux premiers avions venus dans l'archipel. Comme si mon guide avait lu dans mes pensées, il fit un virage qui nous amena à travers de petits chemins jusqu'au port. Quel beau tableau! Je descendis la côte, faisant rouler sous mes pieds les faluns; je ralentis ma course; arrivé près d'une barque, tournée sur son ventre, proche d'un quai brisé par les tempêtes. Le soleil donnait à la houle des pépites d'or. Je distinguai un marin d'âge mur et un jeune bouscaud qui, silencieusement, filottaient des harengs. Je m'approchai en silence et admirai leur travail, protégé des vagues par les dolosses, ces ancres de béton qui, selon moi, ressemble à des bouchons de champagne et parviennent à casser la vague la plupart du temps. Je restai là, respectant l'habileté de ce père et de ce fils unis par une même passion lorsque d'un coup, une vague plus forte se fit une place entre les dolosses et m'arrosa de la tête aux pieds. Figée par la surprise, je vis avancer le fils, la main encore tachée du sang des poissons, tenant toujours son couteau, me pousser à l'abri, laissant ainsi sur mon beau chandail de laine les empreintes de sa bonne action.

- T'as de la mouille, me dit-il en me voyant trempée!

Je rapportai d'une façon bien étrange la signature d'un vrai loup de mer. Qui peut se vanter d'un tel privilège !

Retour

Café de la Grave
Il était presque l'heure de l'embarquement pour le départ de Montréal mais je voulus, avec le temps qu'il me restait, retourner au Café de la Grave. Étais-ce, de ma part un caprice ou une façon de rester aux Iles? Je n'ai jamais su le dire. Le Café, en cette fin d'après-midi était vide, me laissant toute la place. La serveuse me reconnut et m'apporta, comme si elle en avait l'habitude, mon chocolat chaud. Le piano se taisait, un pétale de fleur tomba de son vase, presque comme une larme. Michel me fit signe. C'était le temps de monter à bord. J'entendis du fond de la cuisine, une voix me crier Bonsoir Jacline, Revenez.

Le bateau leva l'ancre. Appuyée au bastingage, je vis s'éloigner les Iles et se fondre doucement dans la nuit sans lune. C'était la fin d'un beau voyage. Le vent effleura mes joues comme une caresse.

Un jour je filerai aux Îles quand le quotidien me pèsera. Je m'achèterai une barque de pêche, des cages de homard et tout le gréement. Je tomberai amoureuse d'un marin qui roulera les " r " et je peindrai ma maison en rose.

Jour 3 : suivez Jacline au Port Old Harry, à Fatima... 1
 
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Photo du haut : Office du tourisme des Îles-de-la-Madeleine

Le Sel des mots

Fret dans le dos
froid dans le dos

Attifer
habiller

À flotte de bonheur
contente

Faluns
petites roches

T'as de la mouille
Tu es mouillée, trempée

 
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