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L'avion d'Air-Tarom nous déposa dans un petit aérogare achalandé. L'autocar était là et j'ignorais alors que j'allais, durant ce voyage, en retenir un tel bain de savoir. Suivez-moi, je serai, à mon tour, votre guide.
Bukovina - "Un ciel si bleu"
Une région privilégiée avec sa nature luxuriante, enveloppée de lumière exceptionnelle aux tons qui se confondent dans les bleus du ciel le jour, et les profils du passé lorsque vient la brûnante. En mettant le pied à Bukovina, on ouvre un album, on découvre l'art, en entre dans le XVe siècle, cette période où les monastères furent construits. On fait la connaissance avec Stéphane le Grand, illustre commandant d'armée reconnu comme le père spirituel de la Moldavie. Durant son règne (1457-1504), malgré les guerres, il sut faire entrer l'Art et l'Histoire; les styles byzantins et gothiques se retrouvent dans certains monastères, amenés par les Serbes, les Russes et les Polonais. Sur les murs, tel un film, les images se déroulent et racontent les légendes, les coutumes et les événements historiques. Bukovina fut marqué du prestigieux prix de la "Pomme d'Or" par la Fédération internationale des Écrivains "journalistes", FIJET 1979.
Suciana - surnommée "un poème dans la verte lumière"
Suciana apparaît comme une citadelle de roc avec ses tours et ses routes abruptes. Ses murs datent du XVIe s. et, selon la légende, une personne apporta durant 30 ans des pierres dans un chariot conduit par un bœuf pour construire le monastère. En souvenir, le portrait de cette femme est sculpté dans le roc noir sous l'arche conduisant à ce lieu pieux. On raconte que le sculpteur tomba de l'échelle laissant l'œuvre inachevée. Les murs demeurent depuis sans peinture, ni fresque par superstition. L'intérieur du monastère possède cependant quelques richesses. Le tableau qui retient l'admiration de tous et de chacun est "L'Arbre de Jesse", symbolisant l'Ancien et le Nouveau Testament. Dans un fond de bleu-nuit avec ce "Jesse" étendu, endormi, le bras replié sur sa tête. La visite se poursuit dans le silence et l'admiration.
Arbore - Une vision étrange
Plus simple qu'ailleurs! Le recueillement s'impose et la prière reste silencieuse tant on est pris par de larges fenêtres qui nous incitent à regarder le ciel! Pas de coupole sur le toit, mais de simples croix aux volutes artisanales. Les murs extérieurs reflètent le style de l'artiste qui a voulu, avec ses couleurs et son art, mettre en valeur la simplicité et le charme naïf de ce monastère qui ne fut pas construit par un prince mais par un simple architecte. Les dessins sont délicats, pleins d'émotions et les personnages semblent vivants. Les saintes femmes ont la grâce des ballerines. Et que dire du jardin! On y respire la paix et je suis certaine qu'il est demeuré tel qu'il devait être à l'époque. Arbore porte bien son nom: une vision étrange.
Humor - des miniatures sur un gazon
Humor! Ce monastère a l'air d'un dessin tiré d'une page d'un manuscrit. Ravissant! Fondé en 1530, par Petru Rares et le chancelier Theodor, la chapelle est petite mais les murs extérieurs sont un poème rempli de sagesse et d'humour.
"L'art italien n'a rien de plus beau car, ici, on a respecté l'Art byzantin dans toute sa tradition et son sens profond". Ainsi s'exprimait l'historien Paul Henry. Vingt-quatre scènes sont représentées. Rien de banal. Tout est spontané. Lorsque l'on s'attarde aux fresques, on est pris soudain d'un sourire, voyant le diable portant "petite tenue" suivi de cinq danseurs suppliants les invités à danser. N.B. L'artiste a terminé ainsi son chef-d'oeuvre, laissant à chacun le soin d'y tirer ses conclusions.
Ce monastère joua un rôle important dans l'histoire et la culture romaine. Au début du XVe s., il existait un atelier où les peintres et calligraphes travaillaient à la réalisation d'un Évangile miniature représentant Stéphane le Grand. Cette pièce demeure respectueusement protégée.
Voronet - Sorti de l'irréel
"La Chapelle Sixtine" de l'Est! Voronet, c'est comme une belle histoire sortie de l'irréel sur un fond de ciel sans nuage. Située au milieu d'un village aux pieds des montagnes, entourée d'arbres, de petites maisons aux murs blancs, si nette, si pure ... cette petite chapelle reste majestueuse depuis 500 ans. Humble malgré sa décoration princière du toit à la terre, Voronet fut construite dans l'espace de trois mois, trois semaines en 1488 par Stéphane le Grand et peinte par le prince Petru Rares. Des centaines de peintures nous parlent du jugement dernier et de la résurrection des morts. La plus dramatique de toutes demeure le "Jugement dernier" qui décore tout le côté ouest de la façade.
On y voit des âmes transportées au ciel dans des draps de coton tissés en Moldavie pendant que les damnés, voués à l'Enfer, portent sur la tête des turbans turcs, une analogie aux ennemis du peuple de Moldavie à cette époque.
Les peintres dérobèrent leurs couleurs de la nature: bleu du ciel, coloris des fleurs sauvages, vert de la forêt et donnèrent aux anges la douceur des traits des femmes de Moldavie. Un mur fut érigé autour de cette chapelle afin de protéger cette oeuvre d'art. Le bleu Voronet ne fut jamais égalé, comme jamais ne fut le vert. J'aurais aimé détacher ce bleu du ciel pour m'en faire une robe.
Moldovita - un bleu de parchemin
Ce monastère repose à l'ombre du massif Raraü parmi les arbres de la forêt et les fleurs; de petites sources jaillissent et les oiseaux viennent s'y abreuver l'espace d'un instant comme pour ne pas abuser de la permission.
L'église du monastère de Moldovita fut construite en 1532 et peinte en 1537. Les murs extérieurs sont couverts de scènes et de personnages moins dramatiques qu'ailleurs. Au sud, une scène retient l'attention du visiteur et incite à la méditation: "La Prière de la Vierge Marie" peinte sur un fond bleu foncé. Cependant, de toutes les scènes et la plus spectaculaire, à mon humble avis, représente "Le Siège de Constantinople", une composition monumentale qui fut peinte seulement en Moldavie. Admirée, elle demeure gravée depuis des siècles dans la mémoire de toutes les croyances. À l'intérieur du monastère, on y retrouve des meubles sculptés et gravés aux motifs et aux couleurs de l'époque. Le fauteuil princier de Petru Rares, avec son dossier haut de deux mètres représente bien la synthèse de l'art ornemental de la Moldavie au XVIe s.
La fin d'un voyage ...
Le ciel paresseusement se déshabillait pour la nuit. La lune remplacait le soleil de la journée. Pas une brise, pas un bruit, sauf le bêlement des moutons qui entraient sagement à la bergerie. La silhouette d'un clocher d'un monastère formait une ombre rassurante sur le pré. La cloche tinta et je vis les moines regagner leur demeure. Une symphonie pastorale que je retrouve toujours, en fermant les yeux, lorsque ma ville s'agite. Je pris un petit sentier conduisant à mon hôtel et j'eu l'impression de faire l'école buissonnière, ralentissant le pas et cueillant au passage des fleurs pour m'en faire un bouquet.
Sur la table de nuit je trouvai mon repas du soir. Ma chambre était petite mais confortable. Un calendrier, passé date, restait fidèlement accroché au mur depuis des années. J'ouvris les volets sur une lune blanche qui brillait au-dessus des nuages et projetait des ombres dans la vallée. Une voix entonna un cantique inconnu ... d'autres voix s'y joignirent. De la terre semblait s'élever le murmure, l'offrande d'une prière. J'oubliai la solitude qu'apporte souventes fois le voyage et je sus que jamais je n'oublierai ce coin de pays et ces chants venus d'ailleurs comme pour me souhaiter bonne nuit.
Parfois l'esprit flotte et les mots viennent, les expressions, les visages, l'attitude, la démarche de quelqu'un ou encore une musique entendue. Alors un rêve du passé s'accroche un moment et l'on savoure ainsi des minutes d'éternité. Je repris la route, le front appuyé à la fenêtre. La pluie tombait drue et hâtait la chute des pétales et des feuilles. Direction Bucarest.
Moldavie, tu m'as conquise!
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