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Funchal - la ville du sucre ou L'Or Blanc de Madère

Une des périodes dorées de l'île remonte au dernier quart du XVe siècle et une grande partie du XVIe. Le commerce du sucre rapprocha Madère des Flandres, détentrice du marché. On vivait une période d'ostentation et de luxe. Les propriétaires des moulins à sucre investirent dans l'achat d'oeuvres d'art, souvent utilisées comme monnaie d'échange et créèrent les bases de la richesse de l'île.

Pour bien démontrer l'importance stratégique de Madère, il faut bien comprendre que la route du sucre partait du Levant, traversait l'Égypte, remontait toute la botte italienne avant d'atteindre tous les autres pays d'Europe sur le pourtour méditerranéen. Lorsque les Normands prirent possession de la Sicile en 1072, ils en firent une zone de production intensive et les ports de Gênes et de Venise devinrent les centres-clés de la distribution du sucre pour le monde occidental.

C'est à Ceuta, en 1415, que commence réellement la grande saga portugaise à la conquête de l'espace océanique. Sous l'influence de Henri le Navigateur, partent les premières caravelles vers Madère. Port d'escale vers l'inconnu pour trouver la route des Indes, les autorités portugaises pensent tout de suite à peupler l'île afin d'en tirer profit du point de vue économique et stratégique, d'autant plus qu'il y avait déjà l'exemple normand-castillan aux Canaries. En 1453, l'empire ottoman, turc et musulman, maître du Bosphore et des Balkans, s'empresse s'enclaver la Mer Noire, coupe les vieilles routes commerciales et menace Venise.

C'est dans ce climat que la Ville de Funchal entre dans sa destinée par décision royale d'expansion atlantique.

Au début, une production volumineuse de céréales, notamment de blé, permit, non seulement aux colonisateurs de subsister sans difficultés, mais aussi d'exporter de manière importante jusque vers 1470, malgré les conditions difficiles de la navigation atlantique. Cette situation créa une circulation régulière de richesses, des transports maritimes fréquents et une activité commerciale qui entraînèrent un développement social continuel, peu comparable avec le peuplement nordique du Groënland quelques siècles auparavant.

A partir de la moitié du XVème siècle, un autre produit commença à prendre de l'importance dans l'économie madérienne: le sucre. Il conserva une position déterminante dans les exportations jusque dans les dernières décennies du XVlème siècle, avec diverses oscillations conjoncturelles. On exportait aussi du vin, des produits de teinture exigés par les manufactures textiles flamandes ou italiennes et du bois très apprécié dans la construction navale de la "Ribeira dos Naus" à Lisbonne.

Funchal - la ville du sucre ou L'Or Blanc de Madère 1

Avec l' augmentation de la production de sucre jusqu'au début du XVI ème siècle , la prospérité économique initiale de l'île de Madère accéléra la colonisation rapide du sud de l'île, surtout de Funchal qui, du statut de "ville" en 1450, passa à celui de "cité" dans la première décennie du XVIème siècle. Funchal, qui était né sur la rive gauche de la Rivière "de Joao Gomes", se développa le long du littoral, vers l'ouest qui bénéficiait de meilleures communications et d'un accès portuaire plus facile.

Des marchands étrangers provenant des régions d'Europe les plus évoluées du point de vue économique, les Flandres et l'Italie, s'installèrent à Madère et assurèrent l'exportation du sucre vers la Rochelle, Aigues-Mortes, Rouen, Gênes, Venise, les Flandres, l'Angleterre et le Levant.

L'importante mise en valeur du sucre sur les marchés internationaux accéléra le défrichement en vue de rechercher de bonnes terres pour les cannaies.

Vers 1425, les terres à défricher furent tout d'abord données à des membres de la noblesse de seconde catégorie: écuyers et chevaliers, des gens d'une certaine qualité mentionnés dans un document du roi D.Joao I, datantde la même période, plus ou moins engagés dans l'activité marchande, à l'époque où les corsaires écumaient encore les mers. On pouvait, de ce fait, les qualifier de chevaliers-marchands ou de marchands-chevaliers impérativement liés à la navigation parce qu'ils vivaient dans des îles, surtout dans la plus grande d'entre elles. et que les communications avec les continents les plus proches, I' Europe et l'Afrique, ou d'autres archipels atlantiques étaient, nécessairement, maritimes.

Au sommet de la structure sociale, se trouvaient les héritiers, les propriétaires appartenant aux couches de base de la noblesse. Cependant, ces écuyers et ces chevaliers ne méprisaient pas l'exercice des activités commerciales et vendaient l'excédent de la production de céréales, de bétail, de vin ou de sucre. Les étrangers nouvellement arrivés, attirés par le commerce du sucre s'associèrent à eux et intégrèrent leur classe par le biais de mariages. Joso do Esmeraldo en est le meilleur exemple: il épousa une première fois une petite-fille de Joao Gonçalves Zarco et une seconde fois l'une des filles de Joao Fernandes do Arco, propriétaire rural, commerçant et navigateur.

L'Europe du XV ème siècle, en phase d'expansion économique et démographique et de stabilité politique croissante avec le renforcement des pouvoirs centraux, était un bon consommateur potentiel de sucre de Madère dont la production était, naturellement, limitée. L'apparition du sucre madérien sur les marchés européens apporta cependant un grand changement dans les prix et dans la démocratisation de sa consommation.

Le peuplement de Madère ne coïncide pas avec une époque particulière de pression démographique et de recherche désespérée de nouvelles terres, le Portugal ayant toujours été un pays disposant de forêts étendues et donc de grandes réserves de terre pouvant faire l'objet d'éventuels défrichements. Dans la seconde moitié du XV ème siècle, les régions de l'Estrémadure et de l'Alentejo se trouvaient encore en période de colonisation où l'on appliquait largement la Loi "das Sesmanas" sur le territoire situé entre le fleuve Tage et le fleuve Guadiana (Loi "das Sesmanas": ordonnance de D. Fernando qui obligeait les propriétaires à cultiver leurs terres en friche ou à les remettre à l'état qui les distribuait aux paysans sans terre). L'attirance pour les îles atlantiques où les Portugais se rendaient de plus en plus régulièrement et qui commençaient à être connues, exprimait également, pour beaucoup, le désir de réaliser des affaires rapides et lucratives, de s'enrichir facilement et d'améliorer rapidement leur vie, en se lançant dans une agriculture permettant de grands rendements qui compensaient largement le problème de la distance et du transport.

Les premiers colonisateurs ou pionniers dans le processus de peuplement furent recrutés parmi les protégés des seigneurs de Madère et leurs capitaines. Cependant, c'est le roi D.Joao I qui fut responsable du démarrage initial du processus de peuplement. Jusque vers 1475, les premiers excédents de la production, les céréales, trouvaient, au Portugal, un marché facile d'autant plus qu'ils garantissaient en partie les relations commerciales avec Arguim vers où s'acheminait un volume important de blé madérien.

L'augmentation de la production du sucre, dont le début significatif se situe au milieu du XV ème siècle, atteignit très tôt les limites de ses capacités vers 1500 et assura un commerce extérieur prospère, un commerce naturellement maritime et s'effectuant sur de grandes distances. Tirant profit de cette prospérité, Funchal, qui disposait de la meilleure baie de l'île de Madère, devint le principal centre urbain, avec une population bourgeoise notable composée de Portugais et d'étrangers, principalement des marchands, mais qui ne dédaignaient pas intervenir dans la culture de la canne à sucre et dans la production du sucre.

Le commerce des produits de Madère, quand il s'agissait d'exportation, était obligatoirement maritime et s'effectuait sur de grandes distances. Les Flandres devinrent, très tôt, le grand centre redistributeur du sucre madérien, que ce soit celui des seigneurs de Madère (jusqu'en 1497) ou, plus tard, celui du roi provenant de l'impôt sur la production ou bien encore du sucre des particuliers. Naturellement, le commerce maritime s'effectuant sur de grandes distances exigeait, au départ, un système de transport développé tenant compte de facteurs comme la rapidité et la capacité de charge des navires, la compétence des marins, la garantie financière des valeurs, etc., mais aussi la capacité à appliquer des capitaux d' un certain montant, la connaissance de la situation des marchands d' Europe et d'Afrique et, tout particulièrement, dans ce cas , des places portugaises. Des problèmes semblables se posaient quand ii s'agissait de l' importation car l' Europe et l'Afrique, dont les routes maritimes convergeaient dans le Détroit de Gibraltar, étaient les grands marchands du commerce extérieur insulaire aux XV et XVI è siècles.

Commencée dans une phase de transition entre les XIV et XV è siècles, la colonisation madérienne, c'est-à-dire la venue de colonisateurs et l'exploitation économique de l'archipel, progressa rapidement d'autant plus que les routes de la côte de Guinée, de l'Inde et du Brésil continuèrent à utiliser, à des degrés divers, au cours du temps, la position stratégique de Madère.

La vie économique et sociale insulaire commença peu à peu à s'intégrer dans cette période de transition d' États peu évolués et d'une Europe Occidentale encore marquée par le féodalisme vers une modernité où se détachaient l'expansion urbaine, le développement des communications et une intense activité commerciale à la recherche de produits nouveaux ou rares, comme le sucre, même si cela se traduisait par une navigation lointaine, indispensable dans le cas de Madère.

La présence de marchands étrangers encadrant l'archipel dans le grand commerce international, mais s'insérant dans la réalité économique et sociale locale constitue la meilleure expression de la dynamique de la société qui était en cours de développement dans ce nouvel espace géographique humain.

Si le cycle du Sucre fit place progressivement à la prédominance du Vin comme nouveau produit moteur de l'économie
et, plus tard, au Tourisme,
Madère possède encore une mémoire vive de son passé.

 
 
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