J'eus le coup de foudre pour cet ensemble de maisons aux couleurs typiques des îles. Chacune a un cachet bien particulier et selon mon habitude j'essayai d'imaginer l'histoire des propriétaires et pourquoi la maison était verte, lilas… Michel, devinant mes pensées me confia le plus naturellement du monde : la mienne est rouge et noire. Nous poursuivîmes cette route panoramique du chemin du Gros Cap qui s'ouvre sur la Baie de Plaisance et mène à l'usine de transformation de poissons; le restaurant La Factrie est juché au deuxième avec sa baie vitrée donnant sur l'intérieur de l'usine permettant de voir les ouvriers au travail. Je me contentai d'acheter des boîtes d'oeufs de homard en guise de cadeau mais refusai le déjeuner. Je ne pouvais voir tous ces poissons qu'on découpait. Je suis peut-être trop tendre…

Nous passâmes devant l'église de Lavernière, une des plus grandes églises de bois en Amérique du Nord mais le temps avait filé et Michel remit sagement la visite à mardi. Je lui en sus gré car mon estomac criait famine.

Je rencontrai une dame charmante, Johanne Vigneau, propriétaire également de La Table des Roy, un des meilleurs restaurants de l'île. Pendant que se préparait notre menu je découvris le talent de mon accompagnateur sur les murs de la salle à dîner où étaient exposées de magnifiques photos. À la sortie, je saluai des passagers qui, comme nous, avaient choisi cet endroit charmant où les saveurs des îles arrivent à faire oublier tous les temps gris. Il faut revenir en fin de journée, me dit le chef propriétaire. La terrasse est le rendez-vous de l'île pour assister au coucher de soleil. Alors que le vent tombe et que le jour décline s'amorce le plus grandiose des spectacles sans cesse renouvelé. Le phare, le quai, les bateaux, les maisons, se colorent au gré de la lumière.

Personne ne peut rester indifférent à la sculpture de Roger Langevin qui a su donner vie à ses marins de pierre. Le temps de prendre une photo et je m'imaginai la force qu'avaient ces hommes à hâler leurs barques sur le rivage avant que viennent la tempête. Je créais tout haut mon imaginaire, ce qui fit sourire Michel.

La journée s'écoulait et j'aurais voulu étirer les heures! Je me refusai à regarder les aiguilles de ma montre tant j'étais fascinée par mes découvertes, par ce charme que la bruine n'arrivait pas à rompre. C'est chemin faisant que j'aperçus ces buttes aux formes douces et arrondies nommées les " Demoiselles ", le phare de l'Anse à la Cabane, le port de pêche et le relief de l'île. C'est tout un trajet, comme ils disent ici… mais ça vaut le détour!

Les plus belles plages de l'archipel se situent à la rencontre de l'île et de la dune. C'est ici, sur la belle plage du Havre-Aubert (chemin du Sable) qu'a lieu le concours annuel de Châteaux de sable, instauré, il y a 25 ans, par deux profs Albert et Nicole, qui décidèrent de s'auto-réformer en "marchands de sable".

Avec sa plage de galets et son cachet maritime, La Grave a été classée site historique par le Ministère des Affaires culturelles en 1983. La voiture stoppa afin de me permettre d'admirer la sculpture d'Armand Vaillancourt baptisée " le cœur des îles ". Je remontai la vitre aussitôt entrée dans la voiture et détachai bien haut le col de mon chandail que le vent cette fois n'avait pas réussi à me faire frissonner. Étais-je déjà, en si peu de temps, devenue fille des îles!

Nous entrâmes au Café de La Grave poussés par une forte brise; la porte claqua et se referma, me laissant bouche bée de ravissement. Des odeurs se mêlaient, enivrantes, aux notes de musique. Sur les murs tapissés de photos, surgissant du passé, d'autres racontant le présent. Dans des vases, des fleurs des marais s'appuyaient sur des herbes fraîches. Autour des tables, des gens frileux s'attardaient en sirotant leur boisson préférée. Le pianiste se leva, me souhaita la bienvenue et m'offrit aimablement un chocolat chaud que j'étirai à petites gorgées afin de me faire des réserves de bon temps.

Située sur l'Île du Havre-Aubert à proximité de la plage du bout du banc (Sandy Hook), à l'entrée du site historique de "la Grave", se trouve l'Auberge chez Denis à François, une invitation au charme, au délice et au calme. J'étais logée à la belle maison jaune. Ma chambre était nichée tout en haut, coquette, avec une vue sur le fleuve. Un coup d'œil à la lucarne m'avait déjà conquise. Des rideaux de dentelles, tout parlait en faveur de mes hôtes. La barre du jour marquait le ciel lorsque je pris place à la table de la salle à manger coquette et invitante.