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Suivez Jacline à dos de chameau en pays berbère

Suivez Jacline à dos de chameau en pays berbère

 À Merzouga, la route s'arrête. Vous aussi. Du sable, du sable brûlant, du sable à perte de vue. Sculptures mouvantes, couleurs changeantes, dunes de sable entassées par le vent, hautes comme des minarets. Fascinant, grandiose, illimité, le désert toujours recommencé où sable, vent et soleil s'unissent pour n'engendrer que l'infini. Mais voilà que la nuit tombe. Un fennec pointe ses oreilles hors de son terrier, un scinque, poisson des sables, rampe vivement, un grand duc hulule. Même le désert abrite la vie. Mais peu d'hommes peuvent se vanter d'en connaître les secrets.
Pour voir Merzouga, personne n'a jamais regretté de s'être levé à 3 heures du matin. Siroter un thé à la menthe et contempler le disque rose du soleil apparaître au-dessus des gigantesques dunes de Merzouga : le Grand Sud réserve des moments grandioses. Dromadaires et gardiennes berbères attendaient devant l'immensité saharienne! Ces femmes aux visages burinés avaient quitté leur casbah située dans un village peuplé de nomades et venaient, dociles, offrir un moyen de transport à l'aventurière que j'étais.

Je sautai en bas de la jeep, les saluèrent mais elles ne me rendirent pas mon sourire. Je me dirigeai vers une douzaine de chameaux allongés et patients. Leur pelage étaient de différents tons de marron et de beige, leur cou long et sinueux ... et leur odeur, repoussante. Je commençai l'inspection! La moue méprisante de leurs lèvres qui se relevaient au-dessus de leurs dents m'impressionnèrent. Lequel choisir? Aucun d'eux me paraissait sympathique. Au hasard, j'optai pour celui qui me semblait moins "bête" que les autres. L'air blasé, il se redressa au signal de son maître, allongea ses longues pattes tout en continuant de mastiquer une gomme invisible. Était-ce celle qui ne colle pas aux dents? Mystère et boule de gomme! Comme pour me narguer, pendant que l'on attachait la selle de cuir avec des lanières multicolores, il laissa tomber, sans pudeur, un paquet de petites crottes qu'il écrasa d'un sabot impatient.

Je regardai avec stupeur cet animal s'avancer vers moi. Je le vis s'agenouiller et tourner la tête pour m'examiner d'un air maussade sous des cils immenses. On m'aida à m'asseoir sur le siège branlant; je m'accrochai à la selle et sans plus attendre, le chameau se redressa. Je regardai avec effroi la mer de sable qui m'entourait.

Vous allez avoir le mal de mer si vous regardez en bas, me cria le chamelier.

Les chameaux grognèrent et se mirent en route au petit trot.

Le désert
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Au loin, l'espace infini! Pourquoi me saisissait-il tant sinon parce qu'il contenait la promesse de l'oasis! La solitude bénie! Ce calme irréel! Pourquoi m'enchantait-il à ce point, sinon parce que l'aboutissement n'était-il pas la rencontre d'un rêve!

Je sentais le vent du désert sur mon visage et contemplais le ciel zébré de grandes taches or, mauve, orange, rose. La beauté d'un tel paysage dépassait toutes mes attentes et le parfum sauvage de l'air me troublait. Mon chameau avançait d'un pas régulier ... Le groupe restait silencieux dans ce paysage doré ou la seule couleur était les burnous noirs des hommes berbères.

Le soleil marquait les heures

Nous nous enfoncions au coeur du désert. Mon coeur battait d'excitation car rien semblait avoir changé depuis les temps bibliques, depuis l'époque où les hommes étaient descendus avec leurs caravanes chargées d'épices, de thé, de femmes voilées enveloppées dans des manteaux de soie, assises sur un coussin dans un haudary - genre de cage à l'abri des curieux placée sur le dos des chameaux.

Un oasis

Voici l'oasis de Zagora. C'est d'ici qu'au XVIe siècle, les Saadiens conquirent le Souss, puis tout le Maroc, avant de se lancer dans la grande aventure qui les menиrent jusqu'а Tombouctou. Des oasis, André Gide disait: "Elles flottent sur le désert comme des îles". Parce qu'elles sont rares, leur rencontre est privilégiée. Tel un cadeau inattendu après des kilomètres parcourus, enfin un petit oasis perdu nous offrait un point d'eau, une halte méritée. Le chef de la caravane fit signe de s'arrêter. J'étais à admirer les têtes de palmiers qui surgissaient par delà les dunes, lorsque mon chameau décida d'obéir aux ordres donnés. Il se baissa vers l'arrière, un mouvement vers l'avant, sans me prévenir. Quel chameau! J'échappai les rênes et me retrouvai par terre aux pieds d'un petit garçon accompagné d'un chien blanc à trois pattes. Tout en guenilles vêtu, il me tendit la main, m'aida à me relever et m'offrit une rose des sables que le vent du désert avait façonné en oeuvre d'art.

Il faisait si chaud que je crus m'évanouir. Avec soulagement, j'enlevai ma veste et pénétrai sous la tente. J'aspirai le parfum fort et indéfinissable de toutes ces odeurs qui se mêlaient à celui du café arabe. Mélange enivrant que je n'oublierai jamais.

L'air était devenu plus léger avec l'hospitalité du caïd: Grand, souriant, avec de grandes mains puissantes et brunes, il me tendit une grappe de raisins posée sur une tranche de pain.

Cela vous rafraîchira un peu. Nous appelons notre pain "kesrah" ... on s'en sert aussi comme assiette. Ici, l'eau est rare et cela nous évite de faire trop de vaisselle.

Je jetai un regard à cet homme magnifique, fort et viril, vêtu d'un burnous blanc, un poignard courbe en argent pendait à son côté droit et me donna froid dans le dos. Sur sa tête ... un turban compliqué qui devait représenter chaque matin un travail d'exercices longs mais traditionnels. Un moment, je l'imaginai, partageant le miroir de ma coiffeuse, pendant que moi j'ajusterais l'élastique à la tresse de mes cheveux. Qui, de nous deux, serait coiffé le premier? ... J'étais à ces réflexions stupides lorsque, d'un air moqueur, il marmonna:

  • Les femmes sont comme les raisins. Si on les croque avant qu'elles soient mûres, on est certain d'être malade.
  • Quelle philosophie plaisante! ripostais-je mi-figue, mi-raisin.
Hospitalité berbère
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Le silence n'était troublé que par une musique d'une douceur infinie. Placée sur une table basse, le repas était invitant et coloré.

Medmed va vous servir, me dit mon hôte. J'espère que vous apprécierez les brochettes de viande de mouton accompagnées de saucisses, de rognons et de semoule au lait de chèvre. Je crains que vous ne soyez obligée de manger avec vos doigts.

Je m'installai sur le tapis et m'assis en tailleur. Le repas terminé, j'examinai ma main luisante de graisse avant de prendre quelques fruits. Une légère brise se faufilait, relevant un pan de la tente. Des horizons sans fin, un ciel comme une bénédiction, un bol de café brûlant et l'odeur de bois ... ainsi me chantait l'aède du désert.

Tout cela était-il réel?

La caravane de nouveau s'ébranla. J'avais choisi de voyager avant que ne viennent les vents de sable. Le soleil dardait haut et les pas feutrés des chameaux dans le silence, tels les tic-tac de ma montre, marquaient les espaces entre l'après-midi et le soir. Mes yeux s'habituaient aux découvertes. Ainsi, par delà une nappe blanche où suintait le sel, je vis un petit lac. Nous approchions mais il fuyait à mesure que nous avancions ... ce n'était qu'un mirage!

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L'arbre aux chèvres
Le temps était calme. Au loin, une mer de sable crêtée d'or ... réelle cette fois! Je vis surgir la tête des palmiers. Quelques moutons paissaient les herbes jaunes qui poussaient, rares et drues, au bas d'un arbre épineux. Cet arganier avait quelque chose de particulier: Les chèvres l'escaladaient avec une aisance surprenante, s'accrochaient aux branches, s'y installaient afin d'y manger l'argane, un fruit qui ressemble à une olive dont la pulpe est nourrissante. Quant au noyau, très dur, il contient une noix dont on extrait l'huile d'argane.

Gîte de nuit
Le silence régna toute la journée. Seuls les grognements sourds des chameaux et le son plaintif d'une mandoline, indiquaient la tombée du jour. Le ciel était, sans prévenir, devenu bleu sombre, changeant la couleur des dunes de sable aux formes vagues, aux profils durs; à la lumière du soleil couchant, elles semblaient découpées dans du cuivre.

Nous étions arrivés. Le gîte s'offrait à nous comme une bénédiction. Je mis pied à terre d'une façon si leste que le chamelier en resta bouche bée. Les hautes feuilles de palmier se découpaient en ombres sur le sable. La fraîcheur de la nuit était réconfortante. Sans hâte, je me dirigeai vers la "tente-hôtel" et j'aperçus soudain, sortant des feuilles, une robe blanche qui, discrètement, me montrait le chemin qui conduisait à mon nid.

Quelques étoiles brillaient dans la nuit et je me souvins d'un proverbe arabe: "L'amour et la haine sont deux étoiles jumelles qui ont été séparées par une tempête et qui cherchent éternellement à se joindre. Quand on croit voir la haine, c'est peut-être l'amour que l'on contemple".

Souper berbère

Noix
salades variées
perdrix bartavelles présentées en tajine
semoule au lait de brebis rehaussée au choix d'un mélange de miel ou d'huile d'argane

La fin d'un voyage
Assise devant le feu, je subis l'enchantement inexprimable du profond silence des nuits sahariennes. Je reçus le prix de ma longue démarche vers ce périple aux facettes mystérieuses qui m'avait conduite au hasard des ondulations du sable, d'un oasis au mirage ... Je fermai les yeux pour mieux me souvenir ... pour mieux sentir l'effritement du sable au rythme de la caravane, pour retrouver l'intensité de vivre dans ce bonheur inexplicable ... pour ne pas oublier afin de vous faire partager ... mon voyage.

 
 
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